Décès de Joseph Moingt

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de Joseph Moingt, le 28 juillet 2020, à l’âge de 104 ans. Les éditions Temps Présent, qui ont publié deux de ses ouvrages, lui doivent beaucoup. Le livre d’entretiens Croire quand même, paru en 2010, a permis de faire connaître à un grand public les idées de ce théologien jésuite parmi les plus réputés de son époque.
L’incroyable succès rencontré par ce livre (plus de vingt mille exemplaires vendus à ce jour, ce qui est inédit pour un ouvrage de théologien) s’explique notamment par le désarroi dans lequel se trouvaient de nombreux catholiques et auquel Joseph Moingt a su donner un écho. La clarté de son langage et la solidité de sa théologie ont permis à ces croyants de mieux comprendre et assumer leur malaise face à leur Église, devenue sous Jean-Paul II et Benoît XVI beaucoup plus préoccupée par des enjeux d’autorité et de vérité dogmatiques en son sein que par des défis de témoignage et de dialogue tournés vers le monde, défis lancés par le Concile Vatican II et oubliés peu à peu.
Dans son dernier livre, L’esprit du christianisme, publié en novembre 2018, dont il nous avait à nouveau fait l’honneur de confier l’édition, Joseph Moingt s’est livré à un travail titanesque de relecture de sa foi et, au regard de son parcours personnel et intellectuel, de tentative de définition de ce que pourrait être le christianisme au XXIe siècle.
Lors de nos échanges préparatoires à la publication de cet ouvrage, lorsqu’il nous recevait dans son appartement spartiate de la communauté jésuite où il vivait, Joseph Moingt témoignait d’une érudition impressionnante, d’une intransigeance des convictions et d’une authentique convivialité qui tranchait avec l’austérité de ses écrits et qui passait entre autres par l’invitation à partager un verre de whisky avec lui.
Joseph Moingt n’avait pas vraiment le goût des concessions et des révérences, surtout lorsqu’elles risquaient d’atteindre l’intégrité de son travail. C’est ainsi qu’il confiait avec une certaine gourmandise avoir gentiment mis un jour à la porte un journaliste catholique venu dans l’unique but de discréditer l’un de ses ouvrages ou bien encore n’avoir pas sollicité l’imprimatur de son ordre pour publier ses livres, comme cela est encore parfois d’usage. Il s’attristait par ailleurs d’un certain conformisme, pour ne pas dire conservatisme, de ses jeunes confrères théologiens. Quand on l’interrogeait sur un héritier potentiel parmi eux, le silence s’installait.
La rigueur intellectuelle, l’humilité et la générosité de ce théologien frondeur vont manquer à tous ceux qui l’ont connu et apprécié par ses livres et par sa présence.

Joseph Moingt, jésuite, est né en 1915 à Salbris (Loir-et-Cher). Après les études habituelles de philosophie et de théologie à la Compagnie de Jésus, il a suivi l’École Pratique des Hautes Études et a soutenu une thèse de théologie à l’Institut Catholique de Paris. Il a enseigné la théologie successivement à la Faculté jésuite de Lyon-Fourvière, à l’Institut Catholique de Paris et aux Facultés de Philosophie et de Théologie de la Compagnie de Jésus à Paris (Centre Sèvres). Il a dirigé la revue Recherches de Science religieuse de 1968 à 1997. Auteur d’un grand nombre d’articles et de divers livres, il a produit un remarquable travail de synthèse portant sur Jésus-Christ et qui s’intitule L’homme qui venait de Dieu (725 p., Cerf, 1993, plusieurs fois réimprimé). Le grand public connaît surtout J. Moingt par un livre de vulgarisation qui a connu un vif succès, La plus belle histoire de Dieu (Seuil, 1997, en collaboration avec J. Bottéro et M.-A. Ouaknin, réédité en format de poche), ainsi que par Les Trois Visiteurs (Desclée de Brouwer, 1999).